Une promenade dans l’Emmental s’achève près d’une petite maison. Trois poules picorent en liberté. Une dame âgée, à la belle chevelure blanche, s’avance tranquillement, portant une petite cuvette en plastique bleue remplie de carottes émincées. Locace, elle explique qu’un renard avait mangé ses poules. Pour les remplacer, sa fille a sauvé les gluggere d’une ferme en batterie. Elle les a trouvées « im internet, oder wie das gfotz heisst. » Elle nous quitte pour aller nourrir ses agneaux.
Malgré la proximité d’une petite bourgade, la ferme semble d’un autre âge. A l’abri de la réception du signal GPS, loin des influences pernicieuses des ondes électromagnétiques, la dame ne donne pas l’impression d’être adonnée aux réseaux sociaux. La complexité de l’acheminement des paquets dans les réseaux numériques ne trouble ni son calme ni la douce quiétude virgilienne qui rayonne sub tegmine fagi.
Pourtant, par un hasard que C.-G. Jung attribuerait sans nul doute à la synchronicité, le terme de gfotz apparaît comme une des meilleures définitions de l’Internet: le dictionnaire du Berndeutsch l’exprime comme « fasriges, zerfetztes Zeug », c’est à dire un « truc de fibres, en lambeaux. » Gfotz, désigne donc à la fois les fibres optiques, « The internet is broken » et la fragmentation envisagée de l’Internet global en internet nationaux.
Gfotz, désigne donc à la fois les fibres optiques, « The internet is broken » et la fragmentation envisagée de l’Internet global en internet nationaux
C’est peut-être pour cela que les cantons au Nord de l’Emme mettent l’accent sur l’apprentissage du Suisse-Allemand à l’école primaire au détriment du « bon Allemand ». Pas en raison d’un repli identitaire. Mais parce que le mundart permettrait une compréhension synoptique de la complexité du réel.
Oder dänn isch alles nur chabis.