
Cet interrogatoire aurait apporté plus de lumière si l’accusé avait répondu aux questions qui lui étaient posées. Mais Crainquebille n’avait pas l’habitude de la discussion, et dans une telle compagnie le respect et l’effroi lui fermaient la bouche. Aussi gardait-il le silence et le président faisait lui-même les réponses ; elles étaient accablantes. Il conclut :
— Enfin, vous reconnaissez avoir dit : « Mort aux vaches ! »
— J’ai dit : « Mort aux vaches ! » parce que M. l’agent a dit : « Mort aux vaches ! » Alors j’ai dit : « Mort aux vaches ! »
Il voulait faire entendre qu’étonné par l’imputation la plus imprévue, il avait, dans sa stupeur, répété les paroles étranges qu’on lui prêtait faussement et qu’il n’avait certes point prononcées. Il avait dit : « Mort aux vaches ! » comme il eût dit : « Moi ! tenir des propos injurieux, l’avez-vous pu croire ? »
Anatole France, L’Affaire Crainquebille, Édouard Pelletan, 1901 (pp. 37ss).
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Affaire_Crainquebille/Chapitre_III